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Le contrat de construction de maison individuelle serait-il en crise ?


Alors même que la demande de maisons individuelles marque un fléchissement (sur les huit premiers mois de l'année 2000, l'UNCMI constate une diminution des ventes de ses adhérents de 3 % par rapport au huit premiers mois de 1999), plusieurs facteurs conduisent à craindre une nouvelle vague de difficultés dans le déroulement des contrats de construction de maisons individuelles.


L'augmentation des coûts et des délais de construction

Dès 1999, la surcharge des carnets de commande a incité des constructeurs à accepter des contrats avec des délais d'ouverture de chantier et de livraison allongés. Alors que le délai moyen, entre la signature du contrat et l'ouverture du chantier, était classiquement de quatre à six mois, il atteint parfois douze mois ; quant au délai de réalisation des travaux (entre l'ouverture du chantier et la livraison de la maison), il est passé en moyenne de six à douze mois.

L'indice BT01 évoluant peu jusqu'à une période récente, les contrats ont été signés à prix ferme et définitif. Entre-temps, une conjugaison d'éléments a contribué, à la fois à l'augmentation des coûts de production et des retards de livraison : augmentation des prix de certains matériaux (cf. étude d'Entreprises Générales de France-BTP publiée par le Moniteur du 20 octobre dernier), rupture des stocks de tuiles à la suite des intempéries de décembre 1999 et difficulté de reconstitution de ces stocks en raison des dommages subis par les usines de fabrication de tuiles elles-mêmes, application de la loi des 35 heures, pénurie de main d'œuvre chez les sous-traitants dont certains, au bénéfice du renversement du rapport de force avec les constructeurs, ont, dès le premier semestre 2000, dénoncé les contrats les liant à ceux-ci pour renégocier ou réévaluer le prix de leurs prestations …

Les constructeurs, qui ont signé des contrats avec des délais supérieurs à la normale sans anticiper sur les augmentations de coûts de production en incluant, comme la loi les y autorise, une clause de révision de prix dans leur contrat, voient leur marge s'éroder dangereusement. Par ailleurs, la pénurie de tuiles retarde la mise hors d'eau des chantiers, ce qui, tout en étant préoccupant pour les maîtres d'ouvrage, peut générer des difficultés de trésorerie pour les constructeurs empêchés d'appeler les fonds correspondants (or, l'étape de la mise hors d'eau entraîne le versement de 60 % du prix contre 40 % maximum à l'étape précédente, c'est-à-dire, l'achèvement des murs).

De ce fait, on assiste actuellement au retrait volontaire de certains constructeurs. Les ADIL ont observé plusieurs cas de constructeurs qui, après " visite " du terrain, choisissent de ne pas donner suite au contrat lorsqu'il s'avère que le terrain nécessite des travaux d'adaptation, s'abritant derrière l'absence de garantie de livraison nominative pour que la condition suspensive ne soit pas réalisée.


La mise en liquidation d'un nouveau garant

Mutua Equipement n'est malheureusement plus un cas isolé. ICD SA, Compagnie Internationale de Caution pour le Développement, qui avait été dans un premier temps mise sous administration provisoire, est en redressement judiciaire. Sans préjuger de l'issue de la procédure et bien qu'on puisse espérer qu'une faible proportion de contrats nécessite l'intervention de la garantie de livraison, ICD SA aurait plus de 15.000 chantiers ouverts ; contre 4.000 environ pour Mutua Equipement, dont 330 ont fait l'objet d'une mise en jeu de la garantie de livraison.

Néanmoins, en tant qu'établissement d'assurance, ICD SA n'est pas couvert par le Fonds de garantie des dépôts, puisque la loi du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière qui l'a institué pour se substituer à Mutua Equipement, ne concerne que les établissements de crédit ; or il paraîtrait inéquitable que les maîtres d'ouvrage dont le constructeur était garanti par ICD SA, ne bénéficient pas d'un traitement comparable à celui qui a été mis en place à la suite de la liquidation de Mutua Equipement.

A la demande du ministre de l'Economie, une concertation avec la profession de l'assurance est d'ores et déjà engagée, en vue de préparer des mesures législatives permettant la création d'un tel fonds (Rép. Min. JO Débats AN du 13.3.00).

Formulons le vœu qu'une solution puisse ainsi être apportée à un problème que n'avait pas imaginé le législateur au moment de l'élaboration de la loi du 19 décembre 1990 : la défaillance des garants, et ce, quel que soit leur statut. Dans le cas contraire, le contrat de construction de maison individuelle aura bien du mal à trouver encore des avocats.

Cette nouvelle liquidation intervient alors que l'offre de garantie de livraison est déjà restreinte, faute d'enthousiasme des établissements habilités à la pratiquer. Huit garants seulement sont regroupés au sein de l'Association des Garants Immobiliers totalisant 70.000 garanties de livraison sur les quelques 90.000 accordées en 1999.

Les constructeurs et les maîtres d'ouvrage doivent par ailleurs rester vigilants sur la qualité du garant ; la Commission de contrôle des assurances vient, en effet, de nous signaler une nouvelle entreprise qui tente d'intervenir sur le marché de la garantie de livraison sans agrément : il s'agit de Cautionnement Mutuel Limited, enregistrée à Cardiff, qui s'ajoute à la liste d'entreprises non agréées dont les agissements ont été signalés en leur temps : CEMA, ACM, Cardiff International Caution, CFI " Compania Financiara Internazionale SPA - par l'intermédiaire de la SIACAR. (Rappelons que le Ministère des finances a mis en place un dispositif d'information qui permet de savoir si un garant est habilité à délivrer des garanties de livraison). S'il s'agit d'une entreprise d'assurance, tél : 01 44 87 22 50 ; s'il s'agit d'un établissement de crédit, tél : 01 42 92 36 08 et 01 41 02 20 92.

A l'observation de l'ensemble de ces éléments, on voit mal comment les constructeurs pourront résister, dans les contrats à venir, à une augmentation de leurs prix et à leur révision, sans courir le risque de ne pas trouver de garants. Il est probable, en effet, que ces derniers renforcent leurs critères de sélection, laissant de côté les constructeurs qui travaillent avec des marges trop étroites. Le niveau de solvabilité des acquéreurs et la concurrence avec les professionnels qui n'offrent pas de garantie de livraison le leur permettront-ils ? Il faut l'espérer, car les artisans ou entreprises qui construisent dans le cadre de contrats d'entreprise ou de maîtrise d'œuvre, n'échappent pas à la hausse des prix et des délais de construction ; ce qui se traduit par des pressions sur les maîtres d'ouvrage pour signer des contrats sans pénalités de retard ou accepter ultérieurement des augmen-tations de prix du contrat au motif, par exemple, que des travaux supplémentaires, mais non acceptés par écrit par le maître d'ouvrage, ont été réalisés.

Dans la conjoncture actuelle, les maîtres d'ouvrage ont d'autant plus intérêt à être couverts par un contrat " protecteur " ; c'est pourquoi, il ne faudrait pas que la mise en liquidation d'un nouveau garant serve d'argument aux professionnels " faux constructeurs ", pour amplifier les contournements de la loi de 1990.

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