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Accession sociale et information sur le logement : le cas des Etats-Unis et du Japon

ANIL, Habitat actualité, janvier 1997


Le dispositif français d'information sur le logement, créé avec l'ANIL, en 1975, pour accompagner la réforme du logement, a longtemps fait figure d'originalité en Europe.
Dans la plupart des autres pays de l'Union européenne, seule l'aide aux catégories sociales les plus modestes semble justifier d'un service de conseil gratuit et indépendant : relèvent alors de ce type d'assistance, les personnes en difficulté ou à tout le moins en situation de faiblesse.
Les questions liées à l'accession à la propriété n'y sont abordées que sous l'angle de l'échec, aide aux surendettés, recherche de formules alternatives à la saisie, relogement.
Les organismes qui sont chargés de ce type de mission bénéficient généralement de l'aide de l'Etat et des collectivités locales, mais comptent souvent les églises ou les mouvements consuméristes militants parmi leurs membres.
En revanche, aucun d'entre eux ne dispense de conseil préventif : la démarche du candidat à l'accession, liée à une perspective de promotion sociale est assurément antinomique avec le recours à un dispositif caritatif dont la vocation naturelle est de répondre aux situations de détresse. Cependant, avec l'accent mis sur l'accession à la propriété, les choses sont en train de changer et l'information préventive devient un des éléments constitutifs des politiques publiques. C'est déjà le cas aux Etats-Unis et au Japon, et c'est pourquoi leurs expériences méritent d'être examinées.


Le cas du Japon est intéressant, puisque le taux de propriétaires y est proche de celui de la France avec 54 % de propriétaires occupants.

Le "Government Housing Loan Corporation", premier prêteur hypothécaire du monde, finance un logement sur deux, soit près de 15 millions de logements depuis sa création en 1950. Il le fait grâce à des prêts à taux réduit, bonifiés par l'Etat et principalement adossés à l'épargne déposée à la Poste. Il édicte ses propres normes technique destinées à l'amélioration de la qualité du parc (résistance antisismique, économies d'énergie, durabilité et conception adaptée à une population vieillissante). La croissance du nombre de propriétaires fait l'objet d'un programme quinquennal : le seuil de revenu nécessaire pour accéder est réduit, la solvabilisation passe par des prêts bonifiés par l'Etat et principalement adossés à l'épargne postale, qui financent environ 60 % de la quotité, le reste étant emprunté auprès du marché. Un système global de conseil aux accédants est mis en place, qui réponde au joli nom de "service sourire", le centre d'information étant la "galerie du sourire" ; c'est la raison qui a conduit les responsables du GHLC à rendre visite à l'ANIL, pour comprendre l'organisation et le mode de fonctionnement du réseau des ADIL.


Avec 65,6 % * (43,6 % en 1940) de propriétaires occupants, les Etats-Unis ont dépassé le stade où il s'agit d'aider les ménages disposant de revenu moyen à devenir propriétaire de leur logement.

Pourtant, la volonté du gouvernement, et donc le programme du "candidat " Clinton, est d'aller plus loin en augmentant de 8 millions le nombre de propriétaires occupants d'ici l'an 2 000 (67,5 %). Sont réunis autour de cet objectif, au sein du "National Partners in Homeownership", 56 organisations nationales représentant les principaux acteurs du monde du logement : Département Fédéral du Logement ("Department of Housing and Urban Development / HUD"), collectivités locales, banquiers, assureurs, agents immobiliers, promoteurs, associations de consommateurs et organisations d'intérêt général ("non-profit organization").

Cette politique, dont la formulation prend parfois des accents de croisade, est plus envisagée sous son aspect social que d'un point de vue économique : elle répond notamment à un souci d'intégration communautaire et de lutte contre la discrimination raciale : un effort spécifique est conduit à l'intention des minorités (alors que 71,7 % des blancs sont propriétaires, seuls 44,5 % des noirs et 43,5 % des hispaniques le sont) et des quartiers défavorisés : l'augmentation du pourcentage de propriétaires est considérée comme un élément de requalification des quartiers en difficulté ; elle se traduit d'ailleurs par une hausse de l'ensemble des valeurs foncières de la zone. L'approche est donc très segmentée et un programme spécial concerne l'accession des femmes chef de famille (50,6 % contre 80,3 % pour les couples mariés).Le "National Partners in Homeownership" a défini, en 1994, un programme qui comprend cent objectifs précis. Les moyens mis en oeuvre ont été mis à jour en août 1996 : "Financing the american dream" par M. Henry Cisneros, secrétaire du Département Fédéral du Logement / HUD. Trois types de prêts répondent aux différentes situations :

  • des prêts "non traditionnels" : le ratio endettement / revenu est plus élevé qu'à l'accoutumée et l'apport personnel exigé réduit : jusqu'à 3 % au lieu des 20 % traditionnellement requis. Ces prêts sont destinés aux emprunteurs des zones urbaines dont le revenu est égal ou légèrement inférieur au revenu médian des habitants de ces mêmes zones.
  • des prêts "géographiquement ciblés" : ils sont destinés à répondre à la demande des ménages disposant de faibles revenus et habitant dans 72 quartiers défavorisés nommément déterminés. 33 millions de personnes vivent dans ces 72 zones et 60 % appartiennent à des minorités noires ou hispaniques. L'intervention du gouvernement passe par des systèmes de garanties et d'assurances spécifiques qui s'apparentent à ce que fait le FGAS en France.
  • des prêts traditionnels orientés, comme leur nom l'indique, vers les revenus moyens et modérés. L'action d'information et de conseil préventif aux accédants tient une place primordiale dans ce programme et, pour assurer sa qualité, le HUD a défini une certification professionnelle de conseiller en logement, un programme de formation professionnelle qui associe un cursus national et des éléments tenant aux spécificités de chaque Etat et un centre de ressources national qui doit apporter aux conseillers en logement, information, documentation, formation et assistance technique.

Pour les plus modestes, l'information préventive va plus loin que le conseil que pratiquent les ADIL et prend la forme de sessions de préparation à l'accession, au cours desquelles les acheteurs potentiels approfondissent les possibilités qui leur sont offertes et les engagements correspondants qu'ils pourraient être conduits à souscrire.
Fait remarquable, dans un pays aussi libéral et aussi décentralisé que les Etats-Unis, le programme d'information sur le logement relève d'une initiative fédérale et l'agrément des centres d'information, du gouvernement fédéral.
Du côté de l'offre, l'accent est mis sur la proximité et sur la rapidité d'intervention en cas de difficulté, sur les moyens d'éviter les saisies et, dans les zones à requalifier, sur le partenariat entre banques commerciales et organismes sans but lucratif implantés localement.


L'argumentation américaine, comme les textes japonais sur les motivations et les méthodes du conseil préventif, sont étrangement ressemblants avec les plaidoyers pro-domo que peut produire l'ANIL.

Une différence tient cependant à ce que le désir d'accéder est toujours présenté comme une caractéristique nationale forte : l'attachement des français à la pierre motiverait leur attrait pour la propriété, ce serait pour les américains une composante de l'american dream et une aspiration qui tiendrait à la nature profonde de l'homme japonais...
L'information a toujours pour but de réduire les risques d'échec pour des ménages qui disposent de faibles marges de manoeuvre ; il faut aider le particulier dans l'analyse de son projet et dans l'appréciation de ses capacités financières, présenter de façon indépendante l'offre de logements et, là où elle est diverse, l'offre de crédit, accompagner les divers phases des opérations de construction ou d'achat. Le conseil est personnalisé et prend la forme d'un entretien face à face avec un conseiller. Partout cette mission de conseil préventif se prolonge par une aide, en cas de difficulté de remboursement, destinée à permettre la réaction la plus rapide possible.
A cela s'ajoute aux Etats-Unis un objectif quantitatif : l'efficacité de l'information doit également être jugée à la lumière de la progression du nombre de propriétaires de certains groupes sociaux déterminés. La progression globale du pourcentage de ménages propriétaires de leur logement est publiée chaque trimestre ! Fait significatif, le conseil préventif n'apparaît pas comme un élément accessoire de la politique d'aide à l'accession, mais comme un de ses instruments essentiels, au point d'occuper la même place dans un programme gouvernemental que les outils financier de solvabilisation de la demande. L'action d'information préventive est d'ailleurs soumise à la même exigence d'efficacité que l'ensemble des aides publiques et son évaluation fait l'objet de travaux commandités par "FannieMae" (Federal Mortgage Association"), la société créée en 1968 par le Congrès américain pour animer le second marché des créances hypothécaires.
On le voit, la véritable originalité du système français tient à la précocité de sa mise en place, au fait qu'il traite de l'ensemble des questions relatives au logement et non pas de la seule accession, mais surtout à ce que, d'emblée, les initiateurs de l'ANIL ont vu que l'information du public pouvait aussi être un moyen d'être informé sur le public, sur ses attentes et donc constituer un outil précieux d'observation du fonctionnement du marché.

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